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dimanche 26 juin 2011

Kantipur Express

Kantipur est l'ancien nom donné à Kathmandu, ce qui équivaut à la sauce française, à Lutèce pour Paris.

"Kantipur Express", un court métrage expérimental, relate modestement, à travers quelques scénettes, une partie du quotidien de la capitale népalaise et l'ambiance qui en découle.

Pour regarder la vidéo, cliquez là : Kantipur Express

Namaskaar

jeudi 23 juin 2011

Pour le plaisir des yeux!

Ceci s'adresse uniquement à ceux ayant lu le post "Kathmandu-Helambu-Langtang-Kathmandu" (cf. ci-dessous) !!

J'ai changé le format vidéo et créé un lien vers YouTube, j'espère que c'est un peu moins moche maintenant (désormais, vous pouvez régler la qualité directement sous YouTube -en bas à droite de la vidéo pour ceux qui n'aiment pas l'informatique-).
Bien à vous M'sieur-Dame!

Cliquez là : DIAPORAMA MUSICAL

Namaskaar

Kathmandu-Helambu-Langtang-Kathmandu

Namaste,

Après avoir passé un gros mois et demi à Kathmandu (et dans sa vallée) à travailler pour KEEP-NEPAL, une approche complémentaire de terrain paraissait indispensable pour mieux cerner les demandes locales, en milieu scolaire en particulier. L'ONG menant -entre autres- des projets dans l'Helambu et le Langtang, c'est logiquement que je m'y suis rendu. Mais bien entendu cela allait de paire avec l'envie de déambuler dans les hauteurs himalayennes et de me plonger un peu plus dans l'arrière-pays népalais.


Ecole de Jyamire, Sindhulpalchok, Helambu, Nepal

Petit rappel : Étant généralement présenté comme un pays seulement montagneux et froid, le Népal est en fait un pays globalement chaud et sec (hors période de mousson évidemment). Pour preuve, la vallée de Kathmandu, située à 1300 mètres d’altitude, se trouve sur la même latitude que Casablanca, Delhi ou encore Le Caire. Ainsi, par exemple, des bananiers y sont cultivés mais aussi différentes sortes d’agrumes.
De la plaine du Teraï, au sud du pays, jusqu’au sommet de l’Everest, ce qui équivaut à une distance d'environ 250 km, l’altitude varie de moins de 100m au dessus du niveau de la mer à 8850 mètres (rien que ça!). Ainsi, le pays présente une diversité écologique extraordinaire, liée à son profil topographique atypique, des forêts subtropicales aux glaciers.
Bref, rares sont les parties de la planète présentant une telle pluralité d'écosystèmes (hormis quelques pays andins, une partie de la Tanzanie et sûrement quelques autres exceptions).

Kathmandu, Helambu, Langtang : une multiplicité paysagère fascinante

A la fois proches et éloignées de Kathmandu, l'Helambu et le Langtang, 2 entités géographiques tangentes mais bien distinctes, offrent la possibilité de pouvoir couper rapidement les ponts avec le monde urbain et étouffant de la capitale népalaise.

La variété écologique évoquée précédemment est particulièrement visible lorsque l'on rejoint le Langtang depuis la région de l'Helambu. Sur ce territoire, et en moins de 60km, se succèdent (pour ne citer qu'eux), des lianes, des bananiers, des manguiers, des fougères, des chênes, des rhododendrons, des bouleaux, des pins, des sapins, quelques rares épineux et autres plantes rabougries à très haute altitude. Ces dernières sont agrippées au sol grâce à leurs coussinets témoignant de l'adaptation naturelle de la flore à la rigueur du climat. Un climat caractérisé par le froid et des vents parfois violents balayant les cimes des monts himalayens.


Environs de Jyamire

Il est vrai que ces deux régions ne présentent pas le même aspect majestueux des environs des Annapurnas ou de ceux de l'Everest. Il n'y a pas de "8000" dans cette partie du Népal. On ne se "contente que" d'un "7000", le Langtang Lirung (7234m). En revanche, on appréciera plutôt la grande diversité des paysages rencontrée sur ce territoire, une diversité attirant quelques de 10 000 touristes chaque année. Ici, à chaque altitude correspond une ethnie différente (Gurung, Tamang, Sherpa; essentiellement), sans évoquer le système de castes qui, malgré son abolition officielle, continue à rythmer la vie locale et les rapports sociaux dans les villages.

Situé à quelques encablures de la capitale, le territoire de l'Helambu correspond géographiquement au bassin de la Melamchi Khola, une rivière dont la source se situe à plus de 5000m au cœur du Langtang National Park. La formation végétale dominante de l'Helambu oscille selon l'altitude entre forêt sèche et forêt mésophile (mélange d'arbres sempervirents, c'est-à-dire toujours verts; et d'arbres à feuilles caduques). Cette végétation se développe sur des sols ferralitiques rouges (dédicace à Popayan) en dessous de 1200m, faisant penser aux paysages subsahariens par endroits, et sur des sols ferrugineux beiges au delà, le tout dans une ambiance subtropicale (merci aux cours de M. Hoarau). A propos, le mois de juin au Népal est LE mois le plus chaud précédent la mousson (celle-ci s'étalant sur les mois de juillet et d'août). Le temps est très changeant, les pluies sont fréquentes et il y a de violents orages. Le paysage en est donc largement modifié et les tons de couleurs ne sont quasiment que des déclinaisons de vert. A cause de l'humidité et de la présence de nombreuses flaques d'eau, les sangsues pullulent sur les sentiers et attendent patiemment qu'une jambe ou une patte passe par là pour s'y précipiter.


Environs de Baruwa, Helambu

Le col de Thadepati (3610m) et le Yangri Peak (3770m) sont les limites Nord-ouest de l'Helambu. Au delà de ces deux sommets (qui ne sont que de simples "collines" pour les Népalais) et jusqu'à la frontière Tibétaine, s'étend le Langtang. Vaste étendue constituée de hautes-montagnes protégées depuis 1976 par l'instauration du Langtang National Park (qui comprend une petite portion de l'Helambu).

Avec ses 1700km², il s'agit de la deuxième zone protégée de l'Himalaya. La transition entre les deux régions se fait par le col de Lauribina (4610m) qui débouche sur les lacs sacrés de Gosaikund encerclés par le Surya Peak (5145m) au nord, dont le prolongement mène aux plus hauts sommets du Langtang, et le Chhyarkung Chuli, au sud (4552m). Les lacs portent tous des noms ou des appellations faisant références aux Dieux hindous (Gosaikund renvoyant à Shiva; Ganesh, Saraswati, Laxmi, Bhairab et bien d'autres). Véritables lieux sacrés, ces lacs sont même le but d'un pèlerinage ayant lieu entre la mi-juillet et la mi-août, période pendant laquelle des milliers d'hindous affluent pour honorer Shiva et faire une puja (petit autel dédié aux Dieux). Des ascètes viennent y faire de multiples rituels, leurs ablutions et ont régulièrement recours au shilom pour favoriser leur quête spirituelle.

A plus de 3000m en période de pré-mousson, les nuages sont quasi-continuellement accrochés aux pics empêchant de les distinguer convenablement, de plus les précipitations sont plus nombreuses que ce soit sous forme pluvieuse ou neigeuse au delà de 4500m généralement. Cependant, celles-ci n'interviennent le plus souvent qu'en fin d'après-midi, en soirée et la nuit. Le dicton "après la pluie, le beau temps" est alors particulièrement vrai puisqu'au lever du jour vers 5h30, le temps est clair et les vues sur les massifs, superbes. Les nuages sont encore dans les vallées, on les surplombe, les pics avoisinants sont dégagés, une vision reflétant un peu plus la petitesse de l'Homme face à la nature et son immensité. Une part de chance permet d'avoir comme une ouverture miraculeuse (merci Shiva!) entre les nuages donnant sur les chaînes de montagnes du Langtang, dernier rempart naturel avant le monde tibétain.


Sentier longeant Gosaikund, Langtang


Chute d'eau dans les environs de Ghopte, Langtang

Peu après Gosaikund vers 4000m, ces montagnes nous paraissent aussi belles qu'hostiles. On songe alors aux commerçants chargés de marchandises qui empruntaient la fameuse "route du sel" entre Kathmandu et le Tibet. Aujourd'hui ces pratiques n'existent quasiment plus mais de nouveaux "passeurs" népalais et tibétains achemineraient, illégalement dans bien des cas, quelques denrées (sucre, riz, cannabis, pashmina, huile, opium, etc) dans les contrées très enclavées du Tibet qui ne sont pas connectées au réseau routier. Les risques encourus sont grands : accidents en zone montagneuse inhospitalière, arrestation par les douaniers chinois (ça doit être sympa!), braquage lors du périple. Évidemment cet échange économique juteux pour les paysans népalais constitue là un réel complément à de maigres revenus liés à une activité agricole aux rendements globalement faibles. Selon les dires de certains locaux, il y aurait quelques réseaux plus ou moins mafieux accentuant ces échanges illicites, en particulier dans l'extrême Est du Népal et au nord du Sikkim indien où la culture du pavot, initialement restreinte et traditionnelle, a littéralement explosé depuis une quinzaine d'années (merci Metropolis-Arte!). Dans le sens inverse, d'autres individus faciliteraient le passage, vers le Népal, de Tibétains s'opposant au régime chinois et activement recherchés par les membres du Parti, comme une sorte d'échanges de bons procédés voire de solidarité. Il y a d'ailleurs une proximité certaine entre bouddhistes népalais et Tibétains, de par le culte bien entendu. Mais au delà de ces aspects religieux, quelques "petits riens" du quotidien illustrent ce propos en témoignent par exemple les quelques jeunes népalais arborant fièrement ici et là des t-shirts aux motifs composés du drapeau Tibétain et du célèbre slogan "Free Tibet".

De ce point de vue exceptionnel sur les montagnes du Langtang (donc), le sentier escarpé et à flan de montagne redescend ensuite progressivement jusqu'à Dhunche (environ de 150km au nord de Kathmandu) à travers des forêts de plus en plus denses et humides plus l'altitude diminue et dans lesquelles on peut apercevoir (si on a de la chance) des « red pandas ». Dhunche, est un gros bourg poussiéreux peu avenant avec ses étales couverts de mouches, ses quelques vieux tamangs, et autres sherpas, alcoolisés, édentés et fatigués par une vie passée dans les cultures en terrasses, et ses marmots crasseux à moitié à poil jouant avec tout ce qu'ils trouvent, de la cuillère en bois, au pneu de vélo en passant par les cailloux et les bâtons. Malgré cela, Dhunche offre toutes les commodités pour les touristes : téléphone, accès internet, modestes hôtels, bus en partance pour la capitale.

De Nagarkot (au sud de l'Helambu) jusqu'à Dhunche, il faut compter plus ou moins 10 jours de marche en passant par le col de Lauribina situé à 4610m. Un col aux pentes pas vraiment raides mais le dénivelé de 1000m et la longueur de l'ascension rendent la marche fatigante. Mis à part le risque modéré d’être sujet au mal d'altitude et quelques passages assez rock'n'roll par des sentiers longeant des ravins au fond desquels on devine une rivière plusieurs centaines de mètres plus bas, il n'y a pas de gros danger durant ce trek. Par contre, bien sûr, ça taquine les mollets et les cuisseaux bien comme il faut et "on mouille le maillot" comme disent les footeux!

En réalité, le plus terrifiant et le plus dangereux s'avère être le retour en bus de Dhunche jusqu'à Kathmandu (environ 8h pour un peu plus de 150 km!). Le premier tronçon de 2-3 heures à flan de montagne aux alentours de 2200m est destiné aux amateurs de sensations fortes.
Un bus "façon 4x4 népalais géant", à la carrosserie "faite maison", à la direction douteuse, aux pneus lisses comme la surface d'un vinyle, qui semble littéralement crier quand le chauffeur appuie sur la pédale de frein, n'a déjà en soit, rien de rassurant. Ajoutez alors des sièges bondés de népalais en tout genre dont de jeunes enfants, des vieillards. Quelques passagers sont assis sur des marchandises : des sacs de riz, de pommes de terre et de céréales, calés entre les sièges. Il ne faut pas oublier la dizaine de personnes installées sur le toit. Le bus est lourd, très lourd, trop lourd. On se demande comment le conducteur arrive à lui faire prendre les virages. Ce n'est pas fini, ajoutez une route qui n'a de route que le nom, il s'agit davantage d'une piste rocailleuse au sol meuble, parfois sableux qui menace de s’effondrer sous le poids de l’’imposant véhicule, le tout dans un paysage lunaire. Certaines chutes d'eau passent sur la route et le cercueil roulant passe dedans comme si de rien n'était. Bien sûr, le mieux, c'est d'avoir, comme moi, la meilleure place, c'est-à-dire celle côté vitre offrant un panorama sublime sur des gorges d'une profondeur paraissant interminable. De ce siège on ne voit pas la route, on ne voit que le vide et l'on espère que les pneus restent sur la chaussée après chaque bosse, ça se joue à quelques précieux centimètres. Pour la déconne, on a presque envie de lever les bras comme dans un grand huit... Ah, j'oubliais, ajoutez des rochers parfois sur la route permettant de constater la passion du chauffeur pour le "Nepali-mountain-bus-trial", celui-ci alternant tâtonnements du frein et de l'accélérateur au bord du ravin. Le tout faisant inexorablement tanguer ce vaisseau infernal de gauche à droite ce qui a pour effets de secouer les passagers comme de vulgaires pantins apeurés et d’améliorer la visibilité sur les pentes vertigineuses. Encore un petit plus témoignant de ces conditions idéales : des bancs de brouillard ainsi qu'une pluie fine et régulière depuis le matin qui ne s'arrêtera pas une seule fois en 8h de trajet. Elle rend la route boueuse et glissante et évidemment au moment où se profile une côte sur ce type de revêtement, le bus ne monte pas. Les passagers doivent descendre pour l'alléger afin que celui-ci garde l'espoir de la gravir. Il fait soudainement une marche arrière en descente au bout de laquelle il y a un sympathique virage. Si le driver fait ne serait-ce que la plus minime des erreurs, c’est le saut de l’ange assuré. On se dit alors « inch’allah » si ça arrive, il doit se trouver sûrement en contrebas un truc menant plus loin encore que les portes de la perception. Ceux qui le veulent, peuvent aider à pousser le bus pour qu'il rejoigne plus facilement le haut de cette montée. Après plusieurs essais infructueux (avec plus ou moins d'élan) ayant permis d’apprécier pleinement le bruit du moteur en surrégime, l'obstacle est franchi. C'est alors que l'on aperçoit au loin les marques d'un glissement de terrain important. La route est barrée par d'imposants blocs de roches. La solidarité faisant foi dans ces moments, les Népalais déplacent à plusieurs ces blocs pour les pousser hors de la route, les rochers finiront leur chute plusieurs centaines de mètres plus bas. Un voyage nerveusement très fatiguant pendant lequel on devient shivaïte l'espace de quelques heures.

Malheureusement pour les Népalais, ce type de "route" semble devenir la norme dans ces contrées difficilement accessibles. A l'heure actuelle, dans la région de l'Helambu, mais pas seulement, des bulldozers, creusent des routes directement dans la roche et arrachent des dizaines d'arbres, ce qui a comme conséquence de renforcer les risques de glissement de terrain et les phénomènes d'érosion. Les routes peuvent s'effondrer à tout moment car elles ne sont pas assez stabilisées et en période de mousson des villages entiers situés en contrebas sont menacés par les glissements de terrain et autres chutes de pierres.
Plus des routes de la sorte seront construites, plus les déplacements en bus seront périlleux et plus le risque de catastrophes naturelles sera conséquent.

Vouloir désenclaver des territoires isolés, pour entre-autres les connecter à l’activité touristique, peut paraître en soit comme une bonne chose. Il ne faut pas tomber dans l'excès inverse et maintenir les populations locales dans l'éloignement, la difficulté et le traditionnalisme pour renforcer l'image d'un territoire "hors des sentiers battus" prisé par une poignée de touristes bobos adeptes de l'authenticité des lieux. Cependant, les moyens alloués pour agrandir le réseau routier sont insuffisants. Ce sont des villageois représentés par quelques décisionnaires, membres de groupes locaux ("village committee") qui financent ces chantiers, avec l'aide partielle du gouvernement népalais. Certes, quelques villages seront reliés à des bourgades plus importantes et/ou à Kathmandu, mais à quel prix?
Les normes de sécurité n’existent pas ce qui ne fera qu'accroître les risques d'accidents de la route et d’éboulements. L'empreinte écologique terrible de ces travaux conduira nécessairement à une dégradation paysagère et environnementale du lieu et donc réduira potentiellement son attrait.


Bulldozer construisant une route, environs de Baruwa, Helambu

Quand on sait que le tourisme génère d'importants flux économiques renflouant les caisses du gouvernement népalais (principalement à travers les visas et les permis de trekking obligatoires pour pénétrer dans les parcs naturels), on se demande, malgré l'instauration de zones protégées et la prise de conscience de la plupart des grands acteurs du secteur, comment celui-ci peut-il se targuer de promouvoir un tourisme dit "durable" lorsque l'on voit régulièrement des déchets en tout genre le long des sentiers de trek (paquets de cigarettes, piles, bouteilles en plastique et même en verre, briquets, emballages...). Autre exemple, dans au moins presque toutes les écoles de l'Helambu et du Langtang (pourtant dans le parc naturel), il n'y a pas d'eau potable (ça ne veut pas dire pas du tout d'eau, ils ont de l'eau non-potable en quantité suffisante). Le personnel et les enfants doivent aller à la source à quelques kilomètres pour y remplir des bidons. Certaines écoles traitent l'eau avec des produits coûteux et la conservent dans des réservoirs de 500 litres le plus souvent. Ceci apparaît une fois de plus comme paradoxal quand on sait que les revenus du tourisme dans les parcs doivent permettre de favoriser les projets de développement local, entre autres, en milieu scolaire. Il faut aussi souligner le fait que certaines écoles ont été financées et construites par des villageois ce qui témoigne un peu plus d'une certaine déficience de l'action gouvernementale, pilotée principalement de Kathmandu, en vers ces zones reculées.

La construction de ces routes, le manque global d'éducation à l'environnement, le fatalisme, l'inexistence de poubelles et le déficit d'informations destinées aux touristes (sans compter ceux qui manquent cruellement de civisme) contribuent au déséquilibre écologique de ces régions aux écosystèmes pourtant très fragiles. Laisser naïvement une bouteille d'eau dans un refuge, c'est la laisser dans la nature. Un chiffre, le trek de l'Everest, c'est plus de 100 000 bouteilles d'eau par an abandonnées au cœur de l'Himalaya pour un peu plus de 30 000 touristes (sic)... merci.


Toit d'une guest-house, Melamchi, Helambu


Panneau de sensibilisation, Thadepati (3515m), Helambu


Thadepati, Helambu

Pour finir, me revoilà à Kathmandu qui en cette fin du mois de juin paraît presque vide. Les saisonniers qui viennent gagner leur pain lors de la saison de trekking sont retournés dans leurs villages respectifs y travailler la terre pour la plupart et le nombre de touristes a fortement diminué, exceptés les touristes indiens fuyant la canicule frappant leur pays. Concernant les Occidentaux, il ne reste que quelques volontaires, les stagiaires, les expat' permanents et 2-3 vieux hippies à l'esprit coincé dans les 60-70's! La moiteur de l'air et le ciel surchargé offrant des orages impressionnants annoncent une mousson conséquente selon les anciens. A voir ce qui se passe en Chine, ces prédictions n’ont, a priori, rien d'étonnant. Affaire à suivre, j'en saurai plus dans quelques jours…

Les vendeurs de fruits et légumes dressent des petits abris pour protéger leurs stands, les rickshaws wallas sortent des bâches en plastique et couvrent leur bolide, les motards aussi et la danse des parapluies multicolores a commencé dans les rues de la capitale.


Namaskaar

mardi 3 mai 2011

Malaai ramailo laagyo ! (env. "je m'y plais beaucoup")

Namaste à toutes et à tous,

Je remets à jour routes-infinies pour vous permettre de mieux percevoir l'ambiance népalaise du moment. En ce qui me concerne, je trouve que les années se suivent et commencent à se ressembler peu à peu, tout comme la manière de vous dire bonjour, et je ne m'en plains pas, au contraire !

Malgré tout, la politique locale, les rues et leur effervescence quotidienne, l'architecture et les formes urbaines, la nourriture (open curry!) et ce mélange des genres permanent entre modernisme et tradition font de Kathmandu une ville particulièrement changeante. Les publicités pour les i-phones, l’alcool, les cigarettes, les gels douches (avec des népalaises particulièrement « blanchies » et avenantes) mais aussi pour les grosses berlines, semblent se démultiplier aux abords des axes routiers et autres carrefours stratégiques. Le nombre de véhicules augmente constamment, les motos en tête, ce qui paralyse un peu plus chaque jour le trafic routier de la capitale népalaise dont le réseau semble nettement insuffisant. Il est difficile de construire de nouveaux axes car Kathmandu se trouve dans une vallée et non dans une plaine, le terrain, globalement accidenté aux bordures de la ville, n’est pas vraiment propice au développement des routes... Ces difficultés de circulation ont fait exploser les taux de particules dans l’air ainsi que les ventes de masques pour s’en protéger qui vont avec.




La sérénité de Bouddha face au bouillonnement urbain


"mon quartier"



Petit "garage" des rickshaws walla !

Malgré tout, quand on regarde de plus haut (lorsque l’on opère un changement d’échelle géographique -pour les connaisseurs- ;) ), tout ceci n’a rien de vraiment surprenant finalement, Kathmandu, comme ses consœurs des "pays en développement", voit s’accumuler les méfaits d’une volonté mal maîtrisée de rattraper le modèle occidental synonyme de standing, de réussite et de modernité. Problème, le pays n’est pas suffisant pourvu en infrastructures modernes (recyclage, énergies renouvelables, transports en commun différents du bus népalais moyen qui date de 1964 qui a fait 128 fois le tour du Népal avant d’être réparé en Inde avec des pièces chinoises par des Bangladais…). Les problèmes qui en découlent sont donc très nombreux, insuffisance électrique, déforestation, pollution car pas de circuit de recyclage digne de ce nom, réseau d’évacuation des eaux quasi-inexistant etc… Cette tentation du modernisme, entraîne d'indéniables externalités négatives d'un point de vue environnemental et avec l’individualisme, l’un de ses corollaires, il ne fait qu’accentuer les inégalités sociales bien assez visibles au Népal et plus largement dans tout le sous-continent indien.



Bien des Népalais disent que le Népal était comme ça et qu’il le restera. Leur parler d’aide internationale les fait rire jaune puisque depuis plus de 50 ans, des milliards sont arrivés au Népal par les circuits de l'aide internationale mais le peuple n’en a que très rarement vu la couleur… Des Népalais qui sont lassés par leurs politiciens nationaux avides de pouvoir (d'ailleurs le mois de mai s'annonce chargé en manifestations apparemment), n’ayant jamais vraiment apporté de réponse concrète aux maux de la société mais seulement de beaux discours bien léchés. Certains ici disent que dans 100 ans Kathmandu sera toujours pareil, ce fatalisme latent peut se comprendre au vu de la situation politique instable et par la difficulté qu’à ce pays à s’émanciper -et c’est normal- de l’influence de ses deux voisins qui ne sont autres que l’Inde et la Chine (rien que ça!) soit à peu près 2,5 milliards d’habitants : un véritable étau. Ces deux géants essayent perpétuellement d’avoir le Népal comme allié, entre maoïstes chinois et progressistes indiens corrompus adeptes du copinage avec Washington. Comme qui dirait, pour expliquer simplement ces complexes enjeux géopolitiques liés à l'eau -entre autres- (enjeux autour du partage des eaux provenant des glaciers himalayens) : «y’a un match dans le match».


Kathmandu-Durbar Marg : Prise de conscience locale initiée majoritairement par la jeunesse népalaise.


Face à tout ça, comme le disent les Népalais, le Népal restera 1er dans au moins un domaine : celui de la montagne évidemment, sur 14 sommets de plus de 8000 mètres sur Terre, 8 sont au Népal, on compte une centaine de « 7000 » et plus d’un millier de « 6000 », sans parler du reste qui ne constitue qu’un vulgaire ensemble de collines quasi-insignifiantes selon les Népalais…qui dit mieux ? (« mieux »). Cette présence géologique bénit par les cultes hindous et bouddhistes, permet au Népal de foncer à vive allure dans l’industrie touristique aux effets économiques intéressants mais qui ont, d’un autre côté, amplifiés les impacts négatifs sur l’environnement et sur les aspects culturels et sociaux.

Ayant constaté la majorité de ces problèmes par le passé, j’ai trouvé intéressant de m’impliquer dans une ONG locale « KEEP » (Kathmandu Environmental and Education Project) qui prône un tourisme dit « durable » (dont je m’empresse d’estimer leur niveau de durabilité !!) dans le cadre de mon stage de Master 2. Une ONG qui a tout de même déjà coopéré avec le WWF, ce qui n'est pas gage d'une parfaite durabilité mais qui a au moins le mérite de renforcer la légitimité de ses actions et sa notoriété (voir ici).
Je travaille (7h/ jour) avec un membre permanent de l’ONG, Arjun, sur des maquettes de cours destinés aux porteurs. Il s’agit d’hommes, globalement peu estimés et non-habitués à la haute montagne pour la plupart. Beaucoup d’entre eux viennent du sud du pays et cherchent à avoir un revenu complémentaire à leur travail travail agricole afin d’améliorer le quotidien de leur famille. Lors de la saison de trekking, ils portent des dizaines de kilos de matériels, de vivres ou simplement des sacs de touristes sur leur dos, leurs conditions de travail sont particulièrement difficiles car ils sont, dans bien des cas, sous-équipés et mal informés. Ce n’est pas un hasard si des dizaines de porteurs disparaissent dans les contrées himalayennes chaque année... Il n'y pas de réelles mesures les concernant alors qu'ils participent grandement à la croissance économique du pays : sans eux comment feraient les touristes pour manger du riz le long des sentiers de trekking?

Une fois ces maquettes terminées, les cours seront dispensés par des spécialistes à une centaine de porteurs d’ici la fin du mois (30 et 31 mai) pour les sensibiliser aux risques encourus en montagne, à la fragilité environnementale de ces régions, les renseigner sur leurs droits mais aussi pour leur permettre de reconnaître le mal des montagnes et d'autres maladies tout comme leur apporter une connaissance basique des premiers secours.
Par la suite, je devrais faire de l’évaluation de projets d’écovolontariat et je vais donner des cours de français à des spécialistes du tourisme au Népal ainsi qu'à des guides de trek pour leur apporter du vocabulaire général dans un premier temps et spécifique à la préservation environnementale par la suite. Enfin, je vais essayer de trouver des partenaires français pour financer ces projets et tenter d’améliorer la communication globale de l’ONG.


mon "bureau"...



Pour conclure, Erhard Loretan est décédé le 29 avril dernier, pour info, il était le 3ème alpiniste à avoir vaincu les 14 "8000m" de la planète...

Entre tout ça, je fais de nombreuses rencontres, je découvre des endroits improbables dans Kathmandu et mon esprit s’évade vers le Gosaikund lake, le Kanchenjunga, le lac Rara et le camp de base de l’Everest.

Namaskaar